La naissance de la future chaîne locale marseillaise reste houleuse.

jeudi 13 janvier 2005 dans Humeurs

Article paru dans Libération

A TV7, Foucault en vitrine et des polémiques en coulisses

Et le gagnant est... Jean-Pierre Foucault. L’animateur a été nommé, mardi, président du conseil d’administration de la future chaîne locale marseillaise, TV7, que tous les Marseillais devraient recevoir à partir de l’automne prochain. Foucault a gagné grâce à ses deux atouts : il est marseillais et souriant. Et, à Marseille, quand il y a un problème, on appelle Foucault. L’OM craque ? Foucault est là, président de l’association OM. La télé locale prend l’eau ? Foucault arrive. Merci, Jean-Pierre !

Pour TV7, y a du boulot. Six jours avant de présenter le projet devant le CSA, mi-juin, le journaliste Jean-Yves Casgha, qui a monté le dossier, claque la porte. Son projet de « télé locale de proximité » s’efface devant une option plus proche de la télé de réseau, surtout avec la présence du groupe audiovisuel AB. Casgha l’assure : « TV7 est devenu un décrochage local de TMC [détenu à 50 % par AB], la sous-locale d’un généraliste avec des partenaires dont la seule obsession est de gagner de l’argent » via la pub.

Beau monde. Casgha parti, Norbert Balit (ex-France 3, ex-RMC) vient en catastrophe présenter, avec succès, le dossier de son prédécesseur au CSA. Et un homme de chez Lagardère, Pierre Boucaud, PDG de TLT (Télé locale à Toulouse), remplace Casgha comme homme fort de ce projet où on ne trouve que du beau monde : la Caisse d’épargne (35 % locale, 10 % nationale, soit 45 % en tout), la Provence (groupe Lagardère, 15 %), AB Groupe (15 %), Safim (Parc des expos de Marseille, 15 %), Sodhexo (5 %), et Groupe industriel Marcel Dassault (5 %), qui, après avoir annoncé son retrait en juin, est finalement resté.

Hélas, Balit et Boucaud se bouffent le nez. « Trop de coqs sur le même tas de fumier », rigole un concurrent. Sans compter Stéphane Duhamel, patron de la Provence. Mardi, Boucaud, nommé directeur général, a gagné. Initialement pressenti pour être président, Balit se recase comme conseiller audiovisuel auprès du patron de la Caisse d’épargne nationale. « Ce n’est pas un retrait, j’ai d’autres projets », assure Balit. Après Casgha, ça fait deux de chute dans cet attelage de bric et de broc. Outre qu’il permet à son employeur, TF1, d’avoir un oeil sur l’affaire, Foucault n’est là que pour la vitrine. « Il passera un jour de temps en temps, c’est Boucaud le patron », confirme Alain Lemaire, directeur de la Caisse d’épargne régionale.

Grogne. Depuis que le CSA a présélectionné TV7, début novembre, parmi huit projets, la grogne monte. Jacques Rosselin (projet TéléMarseille) a exprimé son mécontentement. Et la Fédération nationale des vidéos des pays et des quartiers a annoncé, mardi, qu’elle envisage un recours devant le Conseil d’Etat, pour cause de pluralisme menacé. Pour TV Asso, projet retoqué, « le CSA renforce la concentration et rend les Marseillais otages des plus puissants groupes ». Car Lagardère, via la Provence, contrôle déjà la presse écrite régionale, et possède Europe 1. AB détient 50 % de TMC, qui émet sur Marseille. Mais les grands chefs ont tout prévu, en vue d’éventuels recours. Lagardère n’est là que discrètement. La Provence veut surtout préserver son marché publicitaire face aux télés locales, qui peuvent, depuis 2004, diffuser les spots de la grande distribution. La régie pub de TV7, que Boucaud et Duhamel se disputent, sera détenue à 50 % par la Provence, via sa régie Eurosud. Pour le reste, Boucaud assure que « Lagardère ne contrôle pas TV7, "la Provence" n’y aura aucun journaliste, n’influera ni sur la ligne éditoriale, ni sur le management ».

Certes, reconnaît Boucaud, « ce serait langue de bois de dire qu’il n’y a pas de tirage entre les uns et les autres. Mais les télés locales sont en difficultés financières. Heureusement qu’il y a de grands actionnaires qui s’y intéressent ». A Marseille, la Caisse d’épargne a été sollicitée par la mairie UMP. « Mais ensuite, on a conduit ce projet en toute indépendance », assure Alain Lemaire (Caisse d’épargne régionale), qui espère gagner de l’argent d’ici à quatre ans. Ou avant. Car, si les différentes locales en France se regroupent en réseau, elles pourront attirer la pub nationale. C’est leur calcul, et c’est le risque, alors que, selon Antoine Dufour (TV Asso), « les gens veulent des télés participatives, pas seulement de la télé de consommation, et ça, nos pouvoirs publics doivent l’entendre ». Ça va être dur.

Marseille de notre correspondant Michel HENRY
jeudi 13 janvier 2005 - Liberation

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