APPEL Face au mépris des médias dominants, mobilisons nous

mercredi 2 janvier 2019 , par mathieu dans Médias du tiers secteur


ACRIMED LANCE UN APPEL

Nous lançons un appel à l’ensemble des forces politiques de la gauche de gauche, aux journalistes et à leurs syndicats, aux collectifs de journalistes précaires, aux médias alternatifs comme à l’ensemble des usagers des médias, pour contester les dérives médiatiques actuelles et penser urgemment la réappropriation démocratique des médias (des) dominants !

Le traitement médiatique des mouvements sociaux en cours, et en particulier celui des gilets jaunes, n’est hélas pas surprenant. Toutefois, la mobilisation des médias dominants en défense du pouvoir politique et des forces de répression a pris depuis quelques semaines des proportions inédites.

Plus que jamais, les médias dominants jouent le rôle de gardiens de l’ordre établi.

Face à un mouvement s’inscrivant dans la durée, à la diversité de ses revendications, à sa popularité, et à la situation de crise politique dans laquelle il est en train de plonger le gouvernement, les maîtres (grands ducs et petits marquis) de l’espace médiatique resserrent les rangs. Il s’agit coûte que coûte de trouver des solutions de « sortie de crise » pour préserver le gouvernement en place, afin qu’il « garde le cap » des « réformes » libérales, et surtout de défendre les institutions qui contribuent à légitimer son pouvoir comme celui des tenanciers des grands médias. Le tout dans une surenchère autoritaire qui appuie et avalise l’emploi de la force par l’État ou appelle à davantage de répression. Des objectifs parfaitement synthétisés par Bernard-Henri Lévy, éternel phare de la pensée médiatique, dans un appel résumant l’esprit qui règne parmi les chefferies éditoriales des « grandes » rédactions : « Que Macron parle ou pas, que l’on soit d’accord avec lui ou non, qu’on soit pour ses réformes ou contre, n’a, à cet instant, aucune importance. Face à la montée en puissance des fachos, des factieux et des ennemis de la République, une seule option digne : soutien au Président Macron. »

Contre les médias de démobilisation sociale...

Comme à l’occasion de chaque mouvement social, les chiens de garde se démultiplient et quadrillent la quasi-totalité de l’espace médiatique en décrétant ce que nous devons penser et ce dont il faut parler. Symptôme de la « grande peur » médiatique, tous les mécanismes d’ordinaire utilisés pour la préservation de l’ordre établi sont ici mobilisés à la puissance dix : suivisme vis-à-vis de la communication gouvernementale ; sommations incessantes à ne pas aller manifester ; surexposition des violences (des manifestants) ; injonctions unanimes et unilatérales à les condamner ; délégitimation des revendications sociales et de certains représentants des mobilisations, etc. Autant de rappels à l’ordre déversés de manière continue sur les chaînes d’information telles que BFM-TV, LCI ou CNews.

Si les médias dominants ne fabriquent pas l’opinion à proprement parler (la défiance qu’expriment nombre de manifestants à leur égard en étant une des preuves), ils contribuent, par tous ces mécanismes, à :

- construire une atmosphère anxiogène ;
- définir les revendications sociales et politiques « légitimes » et définir le cadre dans lequel ces revendications doivent s’exprimer ;
- sélectionner et promouvoir la visibilité publique de porte-parole légitimes et de ceux qui ont le droit de s’exprimer.

Dans un tel contexte, les chefferies éditoriales se mobilisent en première ligne : chefs des services politique/justice/police, rédacteurs en chef, éditorialistes et chroniqueurs idéologues sont, de manière encore plus flagrante que d’ordinaire, de véritables militants en service commandé pour la classe dominante et ses oligarques.

Contre ceux-là, notre appel s’adresse aussi à l’ensemble des journalistes, précaires, forçats de l’information dominés par ces hiérarchies étouffantes et dont le travail se trouve souvent mutilé, détourné et saboté selon le seul bon vouloir de leurs patrons et « responsables » : combien de temps encore les tenants du système médiatique pourront-ils exercer leur pouvoir sur le dos des journalistes et en leur nom ?

... mobilisons-nous !

Née dans la foulée du mouvement social de 1995, Acrimed est une association qui dénonce les dérives d’une information trop souvent partiale et biaisée, fabriquée par des fondés de pouvoir de la classe dominante, qui ne trouvent jamais rien à redire au monde tel qu’il va. Un des objectifs de cette lutte consiste dans une transformation radicale de l’espace médiatique, qui passe notamment par l’expulsion des forces de l’argent de cet espace et par l’instauration de conditions permettant une réelle appropriation démocratique de l’expression médiatique et une information libre, indépendante et pluraliste.

C’est pourquoi nous lançons aujourd’hui un appel déterminé, à l’ensemble des forces politiques de la gauche de gauche, à l’ensemble des journalistes, à leurs syndicats, aux collectifs de journalistes précaires, aux médias alternatifs comme à l’ensemble des usagers des médias à tous nous réunir urgemment. Comment ? Une grande réunion publique en janvier serait une première étape : pour mettre en commun les expériences et préoccupations des uns et des autres, et pour discuter ensemble des actions concrètes à mener afin d’exprimer et faire entendre notre refus des dérives actuelles des médias dominants.

L’espace public et médiatique appartient à tous et ne saurait en aucun cas rester la propriété de la classe dominante. Notre combat doit devenir celui de tout le monde et nous invitons les acteurs des mouvements sociaux à s’emparer de la cause de la libération des médias.

Si vous souhaitez connaitre les suites de cet appel ou vous impliquer dans de futures initiatives, vous pouvez envoyer un message à l’adresse acrimedinfo(à)gmail.com. N’hésitez pas à faire circuler et à relayer massivement cet appel !
ACRIMED
13 decembre 2018


TVBruits publie cet autre communiqué des syndicats de journalistes :

Communiqué intersyndical (10 décembre) signé par le SNJ, le SNJ-CGT, la CFDT Journalistes et le Syndicat général des journalistes FO :

"Nous publions ci-dessous un communiqué intersyndical (10 décembre) signé par le SNJ, le SNJ-CGT, la CFDT Journalistes et le Syndicat général des journalistes FO, en réaction au déroulement des manifestations du samedi 8 décembre. Comme de nombreux manifestants, des journalistes ont été victimes de violences policières. L’intersyndicale dénonce « une situation inédite pour la profession », exige des réponses des responsables politiques et policiers et enjoigne aux victimes de « déposer plainte et/ou [...] effectuer les signalements nécessaires auprès de l’Inspection générale de la police nationale. » (Acrimed)

"À la suite des nombreux incidents liés à la gestion calamiteuse des manifestations de samedi par les forces de l’ordre, qui ont engendré de nombreux blessés parmi les journalistes de terrain, reporters et photographes, l’ensemble des organisations syndicales représentatives des journalistes (SNJ – SNJ-CGT – CFDT-Journalistes – SGJ-FO) ont décidé, comme le 26 novembre dernier, avec l’appui de la fédération européenne (FEJ) et de la fédération internationale des journalistes (FIJ), de publier une nouvelle alerte sur la plateforme de signalement du Conseil de l’Europe.

Les syndicats français de journalistes dénoncent et condamnent avec la plus grande fermeté les dérapages inadmissibles des forces de police, notamment à Paris, exigent des explications de la préfecture de police, du ministère de l’Intérieur, et du gouvernement, sur les consignes qui ont été données pour en arriver à cette situation.

Alors que le recensement de l’ensemble de ces événements est en cours, les syndicats français de journalistes recommandent à tous les reporters victimes d’agissements anormaux de déposer plainte et/ou d’effectuer les signalements nécessaires auprès de l’Inspection générale de la police nationale. Le matériel de protection des journalistes, saisi par les forces de l’ordre, doit être restitué.

Dès 8 heures du matin, samedi, de nombreux photographes de presse, clairement identifiés comme tels, se sont fait confisquer leur équipement de protection individuel (casques, lunettes et masque à gaz), parfois sous la menace d’une garde à vue. Ce qui a eu pour effet d’empêcher certains reporters de faire leur travail.

Les événements les plus graves se sont produits dans le secteur des Champs-Elysées. En fin de matinée, deux photographes du quotidien Le Parisien ont été visés par des tirs de flash-ball, dont l’un d’eux, touché dans le dos à deux mètres, a brièvement perdu connaissance. Un reporter photographe du Journal du Dimanche a été hospitalisé pour une fracture à la main, après avoir été frappé à deux reprises par un CRS, bien que portant un brassard presse. Un autre photographe a eu deux doigts cassés après avoir reçu un projectile des forces de l’ordre boulevard de Courcelles à Paris, et une quinzaine de témoignages de confrères mis en joue, pris pour cibles parfois intentionnellement, commotionnés ou molestés par les forces de l’ordre nous sont remontés ces dernières heures, y compris de Bordeaux (Reuters) ou du Puy (AFP).

Les syndicats de journalistes avaient déjà signalé au ministère de l’Intérieur les précédents incidents du 1er décembre, déjà sur les Champs-Elysées (matériel cassé) et du 14 novembre à Marseille (journalistes matraqués). Pour quel résultat !

Face à cette situation inédite pour la profession, confrontée à une violence grandissante, les syndicats de journalistes demandent au gouvernement de faire toute la lumière sur ces événements, de prendre les mesures nécessaires pour qu’ils ne se reproduisent pas. Il est totalement inacceptable, dans un pays démocratique et dans un état de droit, que les pouvoirs publics ne garantissent pas la liberté d’informer.

Les syndicats de journalistes demandent à être reçus en urgence par le Président de la République.

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